Julian Lage Trio avec Scott Colley et Dave King

  • Julian Lage - guitare
  • Scott Colley - contrebasse
  • Dave King - batterie

mardi juin 28th 7:00 pm @ National Arts Centre – Azrieli Studio

Au moment où Julian Lage s’apprête à enregistrer son premier album sur Blue Note Records, le guitariste virtuose réfléchit à l’histoire de l’étiquette et à la manière dont s’y rattache sa propre musique. Il en résulte Squint, nouvel album saisissant qui marie une écriture incisive et expressive à l’interaction profonde que Lage a affinée ces dernières années avec son trio habile composé du contrebassiste Jorge Roeder et du batteur Dave King.

« J’ai senti que c’était l’occasion de présenter une nouvelle musique née de la tradition Blue Note telle que je l’ai interprétée », explique Lage, qui a déjà enregistré pour l’étiquette Currents, Constellations de The Nels Cline 4 et le célèbre 8: Kindred Spirits de Charles Lloyd.

« J’aime absolument la musique improvisée, et j’ai toujours été fasciné par la musique des auteurs-compositeurs-interprètes. Pour moi, le jazz de Blue Note mariait toujours ces deux aspects. Il avait des vocabulaires d’improvisation et des performances incroyables, mais quand je pense à des albums comme Idle Moments de Grant Green, Inner Urge de Joe Henderson ou Time for Tyner de McCoy Tyner avec Bobby Hutcherson, tous ces disques que j’aime tant ont aussi de si belles chansons. »

Lorsque le trio monte sur la scène du Village Vanguard pour une résidence de six nuits en janvier 2020, ces idées semblent suffisamment mûres pour faire l’objet d’une exploration, au moment où il prévoit d’entrer en studio. Lorsque la pandémie bouleverse ces plans, Lage en profite pour réécrire ses nouvelles chansons à la lumière du confinement de l’été et des manifestations pour la justice sociale. Lorsque lui, Roeder et King mettent finalement les pieds au Sound Emporium de Nashville en août, les chansons ont pris un air plus profond et plus sombre de mystère et de recherche.

« Au début de cet album, se souvient Lage, ma première tactique était de faire de la musique positive et belle, un rayon de lumière de trois chats qui s’aiment. Après l’annulation de l’enregistrement, j’ai commencé à réfléchir à l’intention de la musique. Il était plus clair que jamais que l’art et la musique sont des plateformes pour influencer, guérir et susciter les conversations. Il est devenu très important pour moi de capturer un certain sens de la complexité émotionnelle de la musique, un peu de flou. Ce disque se situe confortablement dans l’inconnu. »

La présence dans le studio de deux des plus proches compatriotes de Lage, qui ont joué le rôle de coproducteurs, aide également à trouver le confort dans cet espace ténu : le guitariste et collaborateur de longue date Armand Hirsch et l’autrice-compositrice-interprète Margaret Glaspy, partenaire de Lage dans la vie comme dans la musique. « D’un côté, la combinaison de Margaret et d’Armand est tout simplement un soutien abondant », dit Lage. « Mais j’ai aussi un profond respect pour ce qu’ils apportent tous les deux à la musique. Ils contribuent à faire en sorte que l’expérience essentielle soit toujours là, que Squint ne soit jamais devenu une quête pour faire un bon disque de guitare jazz, mais pour créer une musique avec une impulsion spirituelle claire. »

Cet objectif devient également plus intuitif par suite de l’évolution du trio avec Roeder et King. Le contrebassiste est un membre primordial de la famille musicale de Lage tout au long de la carrière du guitariste, à commencer par son premier album de 2009, Sounding Point. King, mieux connu comme batteur du trio irrévérencieux The Bad Plus, est un ajout plus récent. Le groupe fait ses débuts en 2019 avec Love Hurts, collection de reprises couvrant les divers intérêts des membres, d’Ornette Coleman et Keith Jarrett à Roy Orbison et Peter Ivers.

Créé après deux ans de tournées ensemble, Squint rend compte de l’alchimie du trio, à la fois souple et profonde, et intègre les fils de ces influences très diverses dans de nouvelles pièces originales. L’écriture lyrique de Lage révèle son amour pour les débuts du rock et du blues, ainsi que pour les standards de la chanson et les compositions audacieuses et mémorables de ses idoles du jazz. En plus de l’influence de Glaspy, il a également affiné son écriture grâce aux conseils informels de Jeff Tweedy. L’influence du leader de Wilco se fait sentir sur des chansons vibrantes et contagieuses comme Saint Rose, ode à la ville californienne natale de Lage, récemment ravagée par des feux de forêt.

L’habitude de Lage de composer en improvisant au fur et à mesure des discours de leaders comme James Baldwin et Nikki Giovanni favorise le lien intime et significatif entre la musique et le message. La cadence et la clarté de leurs discours guidaient ses mains de manière inhabituelle, tandis que la puissance de leurs mots lui inspirait un fort sentiment de conscience. « Je me suis retrouvé à chercher la musique qui me semblait favorable en présence de personnes que j’admire vraiment, qui nous enseignent », explique-t-il. « C’était intéressant de voir comment cela excluait beaucoup de mécanismes musicaux sur lesquels je m’appuyais habituellement. Cela m’a beaucoup appris sur la cadence, la clarté et la communication. »

Lage commence l’album seul avec la charmante et élégante Etude, solo à la fois gracieux et intime. Le groupe entre en scène avec le swing lent de Boo’s Blues, pièce qui illustre la capacité de Lage à écrire en pensant à ses compagnons tout en faisant écho à ses influences. « J’aime imaginer cette musique jouée par les titans de la contrebasse et de la batterie », dit-il. « J’imagine Billy Higgins, j’imagine Art Taylor, j’imagine Wilbur Ware, même si j’écris explicitement pour Dave et Jorge. »

La chanson titre est un autre hybride d’influences, puisant dans le jeu d’appel-réponse d’un solo de Billy Higgins et le rebond du style swing singulier de Lennie Tristano. L’une des deux seules reprises de l’album, Emily de Johnny Mercer, est interprétée de manière exquise, avec une délicate mélodie délectable. Call of the Canyon, rendu célèbre par le « cowboy chantant » Gene Autry, est une magnifique pièce complémentaire, qui termine l’album sur une note d’espoir désespéré.

Débutant par une pulsation sourde de King et Roeder, Familiar Flower est une dédicace au grand Charles Lloyd, avec qui Lage a eu l’occasion de jouer ces dernières années. « Charles écrit et arrange ses chansons d’une manière ou d’une autre, de sorte qu’à la seconde où le rythme démarre, vous savez que c’est son morceau. Son ADN est tout simplement intégré à la section rythmique. Je ne sais toujours pas comment il fait, mais j’ai essayé d’écrire cet air pour donner le ton avant même que j’entre en scène. »

La mélancolique Day and Age est reprise de l’album solo de 2015 de Lage, World’s Fair, tandis que le déferlement furtif et implacable de Quiet Like a Fuse illustre la musique dans ce qu’elle a de plus atmosphérique et mystérieux. Malgré sa tendresse, Short Form plonge également dans l’inconnu, imprégnant la douce mélodie d’une inquiétude sous-jacente. Twilight Surfer emmène le son rockabilly dans un territoire plus austère.

« Nous avons hérité de cet art et tout ce que nous pouvons vraiment faire est de le présenter avec amour, soin et honnêteté », conclut-il. « À travers ce prisme, les moments imprévisibles sont joyeux. Oubliez de vous en tenir à ma vision. Il y a une vision bien plus grande à laquelle nous prenons tous part et que nous célébrons. C’est une chose magnifique. »